La Nupes avait pris l’initiative d’organiser un débat à Sassenage le 13 avril 2013, avec la participation de Guillaume Gontard, Sénateur de l’Isère, Élisa Martin, députée de la 3ème circonscription de l’Isère, Guillaume Lissy, Maire de Seyssinet-Pariset, Michel Barrionuevo, ancien élu de Sassenage à la Maison des Clubs à 19H. Guillaume Gontard, bloqué au niveau des transports n’a pu être des nôtres
Michel Barrionuevo, au nom du Parti communiste français a ouvert la partie Retraites de cette rencontre réunissant une soixantaine de participant,e·s, voici cette intervention :
Cet après-midi, pour la 12ème fois, ensemble, nous avons manifesté dans les rues de Grenoble et après notre réunion je finirai la vidéo qui sera visible sur ma chaine dès ce soir.
Le mouvement que nous connaissons est depuis presque 55 ans inédit de par l’unité des organisations syndicales, sa répétition, son ampleur jusqu’à 3,5 millions de personnes, sa détermination et le soutien public de l’opinion.
D’emblée, je voudrais préciser qu’en 1995, la réforme des retraites a été abandonnée par Jacques Chirac, suite à des grèves et manifestations, rappeler 2006 où durant presque quatre mois, entre le 16 janvier et le 10 avril 2006, la jeunesse d’abord, puis les salariés et les syndicats font front uni et sont descendus dans la rue contre le CPE. Au plus fort du mouvement, ils sont entre un et trois millions pour demander le retrait de la réforme. Ces actions ont abouti au retrait de la loi Contrat Première Embauche, votée, promulguée et retirée 11 jours plus tard.
Alors, rien n’est joué avec cette réforme des retraites, jamais, elle n’a été votée à l’Assemblée Nationale. La motion de censure faisant suite au 11ème 49-3, a été évitée à 9 voix, même au sein de la majorité des voix discordantes se sont exprimées.
Dans ce calendrier, c’est demain que le Conseil Constitutionnel rendra sa décision, les organisations syndicales ont prévu de se revoir à l’issue des annonces qui seront faites. Rendez-vous est donné dès 14H, devant la Préfecture à Grenoble, les sous-préfectures de Vienne et la Tour du Pin.
Ce Conseil constitutionnel, c’est qui ? Les membres de cette instance siègent durant 9 ans et sont désignés par tiers tous les 3 ans. Le Président de la République désigne 1/3 dont le Président qui a la voix prépondérante, les Présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale désignent chacun 1/3.
Du coup, la majorité est Macron compatible, mais le rôle du Conseil Constitutionnel est en principe de juger en droit.
La première décision, est la façon dont cette réforme des retraites a été instruite ! C’est un détournement flagrant de procédure puisque c’est un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité Sociale.
Si malgré tout, le Conseil constitutionnel refuse de censurer le texte, il créera alors une jurisprudence très problématique : « Après cela, à chaque fois qu’un gouvernement voudra faire une modification sur la politique sociale, il pourra utiliser ce véhicule législatif, réduire les débats et utiliser le 49.3 »
Selon l’article 34 de la Constitution « les principes fondamentaux de la Sécurité sociale » ne peuvent être modifiés que par une loi ordinaire.
Le Conseil constitutionnel pourrait alors estimer que l’âge légal de départ à la retraite en fait partie, et censurer au minimum l’article 7.
Dans le Canard enchaîné, le 18 janvier dernier, Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel indiquait que l’index senior et même les modifications sur « les critères de pénibilité ne relèvent pas du PLFRSS » et nécessiteraient « un deuxième texte ». Ce qui signifie que faute de censure globale, les cavaliers sociaux, au moins l’index senior et le CDI senior, car c’est impossible de prouver qu’ils auront un impact financier pourraient sauter de même que l’article sur la suppression des régimes spéciaux.
La seconde décision attendue du Conseil Constitutionnel pour demain, c’est la recevabilité du dépôt de Référendum d’Initiative Partagée.
Vendredi 17 mars, à l’initiative des communistes et soutenue par l’intersyndicale la première étape a été gagnée, il fallait au minimum 185 parlementaires et c’est 252 qui ont déposé une proposition de loi référendaire, comme le prévoit l’article 11 de la Constitution, visant à « affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ».
Si nous obtenons ce Référendum d’Initiative Partagée, nous aurons 9 mois pour réunir les signatures en provenance de 10% des électeurs de notre pays, soit environ 4,8 millions de personnes inscrites sur les listes électorales.
Face à ce passage en force, et c’est le sens de mon rappel sur le Retrait du CPE en 2006, quelles que soient les annonces du Conseil Constitutionnel, il importe de continuer la bataille. Les organisations syndicales ont prévu de se revoir après cette séquence.
Il n’y a pas de raison valable pour réduire de 2 ans le droit à la retraite. Même le comité d’orientation des retraites (COR) admet que l’on peut faire face au déficit de 13 milliards d’euros sans dégrader le droit à la retraite. Que sont ces 13 milliards face aux 413 milliards pour l’armement, des choix, des priorités !
Pour autant, nous ne disons pas qu’il ne faut rien faire !
Les invisibles que nous applaudissions durant le couvre-feu COVID en 2020, ne sont pas devenus des nantis, n’en déplaise au Président de la République !
Lorsque Ambroise Croizat, Ministre communiste du travail a généralisé le droit à la Retraite à la Libération, il disait : « Il faut en finir avec la souffrance, l’indignité et l’exclusion. Désormais, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie. »
L’un des slogans des manifs est de dire : « la retraite à 60 ans, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! , aujourd’hui j’ai entendu pour la reprendre, c’est vrai que nous l’avons déjà, un peu perdu»
Puis, il faut revenir à la retraite à 60 ans, l’allongement de la durée de vie doit améliorer l’existence au lieu d’allonger le temps de travail !
Les politiques successives ont définancé notre système de retraite. Un ensemble de mesures peut permettre, de financer une amélioration du droit à la retraite.
Il est urgent de revoir les exonérations massives et sans conditions de cotisations, mettre fin à la politique de « modération salariale », de contournement du salaire et de réduction du sempiternel « coût du travail ». Il faut augmenter les salaires et donc les cotisations, embaucher dans la fonction publique pour répondre aux besoins, stopper la politique de précarisation de l’emploi, améliorer les carrières, appliquer réellement l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Enfin, il est urgent de faire cotiser les revenus du capital au même niveau que les salaires.
La seule issue raisonnable à la crise politique qui traverse le pays est d’abandonner purement et simplement ce projet néfaste.
Nous sommes face à une crise politique gravissime. La seule réponse d’Emmanuel Macron est une attitude autoritaire, suffisante.
C’est le droit à la retraite qui est en jeu. C’est aussi la confiance dans la démocratie et dans la République. On ne peut pas en rester là.
Depuis l’utilisation par le passage en force à l’aide du 49-3, le débat public se concentre sur les violences dans les manifestations retraites.
Les violences et destructions doivent être condamnées sans ambiguïté, elles ne servent pas le mouvement de luttes, au contraire, elles détournent l’attention des vraies questions.
En parallèle, la répression syndicale et les réquisitions, sont devenues légion : la répression du mouvement social, avec des nasses pourtant interdites, des arrestations arbitraires, des armes offensives qui blessent et doivent être proscrites, et la violence policière de la Brav-M révélée par des enregistrements parus dans la presse auraient mérités d’être examinés pour dissolution de cette unité.
Une pétition pour la dissolution de la BRAV-M a recueilli à la date du 5 avril, 263 887 signatures sur le site de l’Assemblée Nationale, elle a donc dépassé les 100 000 signatures, la commission des lois a décidé de la classer. La pétition pour le maintien de la BRAV-M qui se voulait le contrepoids n’a recueilli que 5 324 signatures.
Le trait d’égalité mis entre ces 2 pétitions montre la fébrilité ambiante du pouvoir.
Après quasiment trois mois de mobilisation, une majorité de Français refuse toujours de travailler deux ans de plus pour satisfaire les marchés financiers.
Le fond est bien là ! Le Président de la République a choisi comme à son habitude, pour l’accompagner en Chine, d’emmener des grands patrons. Son obstination vient du fait qu’en réalité il est avant tout, le représentant de commerce du MEDEF. Des manifestants disaient le Patron du MEDEF.
L’audace en politique, aussi bien pour le Gouvernement que pour le Président de la République, c’est de reconnaître leurs torts et renoncer à imposer ce projet.
Notre pays a besoin de sortir de la crise sociale, politique et démocratique dans laquelle le pouvoir l’a plongée et qui ne peut se résumer que par le retrait de la réforme ou le référendum d’initiative partagée.
La missive des parlementaires au Président de la République le 4 avril dernier a été de rappeler que ce mouvement social, historique par son unité syndicale, son ampleur et sa détermination, n’a cessé d’exprimer son refus d’un recul à 64 ans de l’âge de départ à la retraite.
Son refus d’entendre le peuple attise sa colère et crée une crise sociale, politique et démocratique sans précédent.
Ensemble, les Français-es et leurs représentants défendent le droit à une retraite juste et digne ; ils et elles ne sont pas illégitimes. En revanche, de quelle légitimité peut se prévaloir aujourd’hui, et à l’avenir, une réforme rejetée majoritairement par le peuple qui, de surcroît, ne peut même pas se prévaloir d’un débat abouti et d’un vote démocratique ?
Ce renoncement ne serait pas un aveu de faiblesse, mais une démonstration de sagesse, seule propice à redonner confiance à l’ensemble de nos concitoyens et concitoyennes et à rendre à notre société l’apaisement dont elle a tant besoin.
Du reste, il conviendrait de leur donner la parole par la voie d’un référendum pour qu’ils puissent s’exprimer, au terme d’un débat démocratique qu’ils réclament, sur la question de l’âge légal de départ à la retraite.
Cette attitude a pour conséquence de favoriser le Rassemblement national dont les cadres n’hésitent pas à proclamer sans vergogne : « Contrairement à ce que tous les commentateurs expliquaient sur tous les plateaux, que nous étions tapis dans l’ombre sans participer aux débats, c’est en fait le contraire que les gens ont perçu. Les Français valident notre stratégie de travail sur le fond et de sérieux affiché ».
Cette perception, nous ne devons pas la prendre à la légère, malgré sa discrétion et ses arrangements avec l’exécutif pendant les débats, le RN incarne, selon les enquêtes d’opinion, une opposition importante, voire la principale, au texte du gouvernement. Une stratégie à bas bruit qui porte ses fruits.
La réalité c’est qu’il a été absent, sagement assis, le doigt sur la couture du pantalon, déposant moins d’amendements que la majorité, ils n’ont servi strictement à rien.
Les députés RN sont en effet plusieurs fois montés au créneau pour défendre le gouvernement face aux attaques venues de la gauche. « Ils ont passé deux semaines à se congratuler respectivement, jusqu’à boucler l’examen du texte en chantant bouche contre bouche, la Marseillaise.»
L’attitude complaisante de l’extrême droite révèle autre chose : derrière son masque social, Marine Le Pen prône en réalité la même défense du libéralisme que la majorité. « Il faut le marteler. Rappeler leurs votes à l’Assemblée contre la hausse du Smic, le blocage des prix, le gel des loyers. Ou le fait qu’ils crient avec les macronistes pour baisser les cotisations sociales, donc les recettes de la Sécurité sociale, donc empêcher la revalorisation, les retraites… » Un travail nécessaire et réalisé par la gauche, mais « sans doute devons-nous être plus forts et plus audibles »
La gauche doit être capable d’être plus unie, s’inspirer davantage de l’intersyndicale qui arrive à parler d’une même voix.
La gauche a une grande responsabilité face à cette réforme. Rien n’impose une réforme d’une telle violence, d’autres solutions sont possibles pour garantir un système plus juste, plus solidaire et plus efficace. Ce que veut en réalité le pouvoir, c’est contraindre le pays à subir de nouveau une austérité budgétaire drastique, comme l’exigent les marchés financiers et la Commission européenne à leur service. Cette politique est chaque jour davantage rejetée par les peuples européens.
A ce propos, les messages de solidarités venus des différents pays nous confortent.
La confédération européenne des syndicats déclare : La « réforme » du système de retraite est une attaque contre le bien-être et les aspirations des travailleurs et de leurs familles. Cette réforme est d’autant plus inacceptable – et contre-productive – que les inégalités se creusent et que la crise du coût de la vie est sévère. Cela ne ferait qu’aggraver les inégalités et imposer un fardeau plus lourd aux travailleurs, en particulier aux plus pauvres. Ceci est d’autant plus négatif que le financement du système de retraite français ne nécessite pas une telle mesure.
La CES et l’ensemble du mouvement syndical européen continueront à soutenir les syndicats français dans leur lutte contre cette réforme, contre son contenu et en raison de l’absence de dialogue social.
La réalité du travail est si dure, que repousser l’âge de la retraite serait insupportable pour des millions de salarié·e·s subissant déjà l’intensification de l’activité, des conditions difficiles pour des salaires amputés par une inflation élevée, des contrats courts et horaires décalés jusqu’à l’uberisation. La voie du progrès, c’est au contraire la transformation profonde du travail, la création d’emplois, en commençant par des centaines de milliers de pré-embauches de jeunes dans les services publics, l’augmentation des salaires et l’égalité professionnelle femmes-hommes, la formation, la prise en compte des qualifications et de la pénibilité. La voie du progrès, c’est de répondre aux immenses besoins de service public et de productions nouvelles écologiques et sociales. C’est là un vrai projet de civilisation.
Au moment où six millions de nos concitoyennes et concitoyens sont complètement ou partiellement privés d’emploi, la sécurisation de l’emploi et de la formation n’est pas seulement une exigence puissante de nos concitoyennes et concitoyens, c’est la clé du progrès social. Elle appelle la création de nouveaux pouvoirs d’intervention des salarié·e·s dans l’entreprise comme dans la société.
Pour toutes ces raisons, le monde du travail n’a pas d’effort supplémentaire à faire. Tout appelle à transformer le travail pour lui redonner un sens. Il faut permettre à chacune et chacun de s’émanciper d’un système qui considère les êtres humains comme une simple force de travail exploitable à merci jusqu’à ce qu’elle soit « usée ».
Il est temps pour notre société d’entrer dans une nouvelle relation avec les entreprises. La priorité doit cesser d’aller à la rentabilité du capital. Elle doit aller au développement de toutes les capacités humaines.
Les débats ont permis de mettre au jour son inutilité et son injustice, mais aussi les mensonges les plus flagrants : le mirage aux alouettes des 1 200 euros, pour lesquels ils partirent 2 millions et finirent 13 000 ; les carrières longues, dont le flou masque l’ineptie ; la capitalisation, qu’un amendement de la droite sénatoriale a fait entrer par la fenêtre !
Il est des victoires qui sonnent comme des défaites. De Jupiter à Pyrrhus, il n’y a parfois qu’un petit pas !